Et si la traçabilité du virus SARS-CoV-2 dans les eaux usées, permettait d’anticiper un rebond de la maladie ? Prévenir avant l’apparition des premiers symptômes de la maladie est désormais possible, grâce à nos eaux usées.

Nos eaux usées en disent long sur notre état de santé

Le SARS-CoV-2 se multiplie dans les voies respiratoires mais également dans le tube digestif où les concentrations virales sont parfois très importantes.

Comme le virus a été détecté dans les selles des malades, la surveillance de la circulation et du dosage du SARS-CoV-2 dans les eaux usées est naturellement entrée dans la panoplie des outils d’étude et de contrôle de la dynamique épidémique.

Une manière plus précise d’évaluer le nombre de porteurs du virus

Donner le nombre d’hospitalisations et de décès quotidiens ne suffit pas. Cela ne renseigne pas sur le nombre des cas asymptomatiques ou des personnes infectées qui ne manifestent que des signes cliniques très faibles. Ce sont précisément ces cas qui rendent la Covid-19 si difficile à contrôler.

 Une équipe de recherche parisienne, réunissant le laboratoire Eau de Paris, et des chercheurs de Sorbonne Université et de l’Institut Universitaire de France, a travaillé sur la quantification du génome viral dans les eaux usées. Ces chercheurs ont supposé que la quantification des génomes du SRAS-CoV-2 dans les eaux usées devait être en corrélation avec le nombre de porteurs, qu’ils soient symptomatiques ou non. Leurs études sur terrain ont corroboré cette hypothèse et ouvert d’autres.

Résultats spectaculaires

Une analyse quantitative chronologique du SRAS-CoV-2 a été  effectuée  dans plusieurs stations d’épuration de la région parisienne. L’étude a été menée du 5 mars au 23 avril 2020. Cela inclut donc la période du premier confinement en France qui a débuté le 17 mars 2020.

Les résultats obtenus sont très clairs : la présence du virus dans les eaux usées allait de fait de pair avec l’évolution du nombre de cas confirmés de Covid-19.  
En outre, on a pu même observer que le pic de concentration dans les eaux usées était même détectable avant le pic hospitalier (voir rapport succinct )! Ce qui est une information éminemment utile pour le suivi de l’épidémie et de son impact sur le système de santé.

Dans un autre article, les chercheurs confirment également l’augmentation des unités génomiques dans les eaux usées brutes avec l’augmentation des cas humains de Covid-19 observée au niveau régional. De la même manière, une diminution des quantités génomiques du virus a été observée en même temps que la diminution du nombre de nouveaux cas de Covid-19 attendue pendant le confinement. Il a été noté enfin que les génomes viraux pourraient être détectés avant le début de la croissance exponentielle de l’épidémie. De quoi susciter quelques espoirs sur l’utilité de ce procédé pour prédire l’évolution de la dynamique épidémique !

Covid 19 - Données sanitaires et stationsEn rouge, dynamique de la concentration en génome viral moyen sur l’ensemble de la région Ile-de-France. En bleu, évolution moyenne du nombre de patients testés postivement par qPCR dans la même région. ©Obépine

Un projet d’observatoire épidémiologique : OBEPINE

C’est précisément pour explorer pleinement les pistes de recherche ouvertes par les premières études sur terrain  qu’un projet  d’observatoire épidémiologique dans les eaux usées, OBEPINE (OBservatoire EPIdémiologique daNs les Eaux usées), a vu le jour en juillet 2020. Le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur lui a alloué un budget de 3 millions d’euros. Son objectif, qui est dans un premier temps scientifique pour servir la recherche dans le domaine, pourrait avoir une utilité dans la traçabilité du virus. De par le procédé utilisé, l’observatoire peut non seulement être très utile par ces temps de Covid-19 incertains mais aussi pour « le suivi de tous les agents infectieux à tropisme entérique » comme la grippe ou la gastro-entérite, comme le signalent les porteurs du projet

Plus ambitieux encore: étendu à l’échelle nationale, on parle même d’un réseau sentinelle de suivi de l’épidémie afin d’améliorer  l’efficacité du dispositif sanitaire national. Le dispositif concernera donc l’agglomération de Marseille.

Marseille n’est pas en reste

De fait, Marseille explore déjà ces méthodes de suivi et de contrôle. Ainsi, les marins pompiers de la ville vont plus loin que les stations d’épuration et traquent le virus jusqu’aux égouts pour mieux le cartographier . D’après le contre-amiral Patrick Augier (rapporté par l’AFP) qui dirige le bataillon, les prélèvements se font tous les jours. Et toutes les semaines on procède à un découpage de la ville en 11 morceaux. On détecte ainsi les zones rouges où il est nécessaire d’intensifier le testing.

L’étape suivante en cours d’expérimentation est une exploration plus systématique des égouts grâce à la mise au point de capteurs passifs, « des cages que l’on immergera dans les égouts, en les laissant six heures baignées dans les eaux usées », comme l’expliquent les spécialistes interrogés.

La course contre la montre continue

Comme nous l’avons précédemment indiqué dans notre article « course contre la montre« , les spécificités du SARS-CoV-2 sont nombreuses et certaines sont à ce jour méconnues ou insuffisamment comprises. La France, comme tous les autres pays du monde, a été prise de cours. Exploiter tous les indicateurs possibles permettrait d’anticiper un nouveau rebond de l’épidémie et donc de mieux la contrôler.

Le projet Obépine et le réseau sentinelle associé font partie d’un ensemble de dispositifs innovants qui peuvent potentiellement aider dans cette entreprise capitale. A noter que ces initiatives peuvent non seulement contribuer à mieux contrôler l’épidémie actuelle mais aussi à mieux circonscrire les risques épidémiques à venir.

Naïma Chenah