COVID-19 : Course contre-la-montre de la communauté scientifique internationale

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Le pouvoir mortifère du COVID-19 frappe de plus en plus les opinions publiques européennes, notamment avec la terrifiante expérience italienne ces derniers jours, au cœur du continent. La communauté scientifique est, elle, sur le pied de guerre depuis quelques mois déjà. Au-delà de la quête du vaccin contre le virus meurtrier, de très nombreuses questions sur les dynamiques épidémiologiques propres à ce virus et les moyens de les combattre restent encore largement ouvertes.

L’épidémiologie du COVID-19 : de nombreuses interrogations

Le virus responsable du COVID-19, dénommé SARS-CoV-2, a été identifié début janvier 2020 comme le vecteur des cas de pneumonies mortelles groupées enregistrées en Chine. Le SARS-CoV-2 appartient à la famille bien répertoriée des coronavirus (voir cette fiche technique élaborée par l’OMS). Il s’agit d’une famille fort nombreuse, avec des modes opératoires et des conséquences pathologiques très diverses, allant du simple rhume aux problèmes respiratoires sévères. Et surtout, c’est une famille qui s’agrandit régulièrement, avec parfois de nouvelles souches très peu commodes. Le SARS-CoV-2 fait partie de ces cas incommodes. Ainsi, si la durée d’incubation moyenne est relativement bien déterminée (un maximum de 14 jours) et si une méthode de dépistage relativement fiable a été assez vite mise au point (s’agissant d’un virus respiratoire), sa capacité à s’installer de façon asymptomatique chez les humains et sa contagion à l’évidence rapide rendent son contrôle très malaisé.

Comme le dépistage systématique est onéreux, en plus d’être inefficace, il n’existe pour ainsi dire aucune garantie d’approcher l’épidémiologie réelle du SARS-CoV-2, pas même à partir des statistiques d’infections régulièrement publiées par les organismes de santé publique partout dans le monde.

Pire encore, les statistiques obéissent à un protocole qui est basé sur une définition précise de ce qui est un cas de COVID-19 (confirmé). Ainsi selon le Journal International de la Médecine, « …la nouvelle définition des cas (en Chine) consiste à considérer comme cas confirmé un patient présentant une radio évocatrice d’une pneumopathie après un contact étroit avec un autre patient… Compte tenu de cette nouvelle définition les autorités sanitaires chinoises recensent 59 822 cas (+ 15 137 en 24 h) et 1367 décès (+ 251 en 24 h) ». Et ce, sans compter naturellement les patients asymptomatiques !

Avancer dans la connaissance de l’épidémiologie réelle du SARS-CoV-2 requiert une analyse approfondie sur des échantillons représentatifs. C’est ce qu’a fait le centre chinois de contrôle et prévention des maladies sur 72 314 cas confirmés, suspects, diagnostiqués cliniquement mais aussi asymptomatiques. Les résultats de cette analyse sont d’ailleurs abondamment rapportés par la presse (voir par exemple ici).

Il arrive aussi que la « chance » s’en mêle et qu’une formidable expérience naturelle s’offre aux épidémiologistes. C’est le cas de la mésaventure du Diamond Princess, un bateau de croisière mis en quarantaine au large de Tokyo, après l’identification d’un premier cas, et qui a droit à une page Wikipédia bien actualisée.
Dix jours plus tard, au moins 218 cas sur 3 711 personnes ont été confirmés. Le suivi exhaustif de l’évolution de la maladie dans ce bateau isolé de tout peut permettre d’approcher de façon crédible, la contagiosité du virus et sa létalité.

Les organismes de recherche sur le qui-vive

Devant l’ampleur de la tâche, les agences et organismes de recherche du monde entier sont en alerte, et de nombreux appels à projets urgents ont été lancés. L’Agence Nationale de la Recherche (ANR) qui oriente et finance la recherche publique en France, n’est pas en reste. Ainsi, dans un appel à projet dit flash publié le 3 mars 2020, l’ANR invite à soumettre des projets de recherche liés au COVID-19. La date limite est prévue pour le 23 mars 2020, ce qui reflète bien l’urgence de l’appel.

Le large éventail des thématiques proposées illustre bien l’ampleur de la tâche. Bien sûr, l’analyse épidémiologique du virus est prioritaire, avec l’accent mis sur le développement des modèles prédictifs. En effet, une question qui taraude aussi bien les épidémiologistes que les spécialistes de santé publique, est la question de la deuxième vague de cette épidémie. A ce propos, un expert de l’Université de Genève explique que « … si l’épidémie COVID-19 poursuit sa propagation dans le monde, elle semble marquer une pause en Chine. Et la proportion de la population touchée reste bien loin des 50% estimés par les différentes modélisations : La grande vague serait-elle donc encore à venir ? ».

Ce n’est qu’une des questions passionnantes pendantes. De nombreuses autres questions demeurent ouvertes comme l’indique le dernier appel flash de l’ANR. Par exemple, il est prioritaire d’identifier des cibles thérapeutiques et modèles d’évaluation de candidats médicaments (hors vaccins). De même, des méthodes d’évaluation et de modélisation de l’impact épidémiologique, économique et financier de l’épidémie et des mesures de prévention et de contrôle sont attendues. Gageons que ces projets de recherche pousseront la frontière de connaissance dans ce domaine les prochaines années, sans doute, bien après la mise au point des premiers vaccins contre SARS-CoV-2.

Naima Chenah