L’annonce du plan de déconfinement du gouvernement par le Premier Ministre Edouard Philippe a révélé l’ampleur des différentes incertitudes qui rendent ce plan essentiellement conditionnel. Nous livrons ici quelques éléments d’un débat, en vérité planétaire, sur comment sortir de la crise sanitaire actuelle…sans l’aggraver.

Des plans nationaux très divers

Comme reflété dans le tableau ci-dessous, il y a une grande diversité d’approches au niveau international. Cela tient aussi bien à des arbitrages distincts entre coût économique et coût en vies humaines qu’à des visions globales sur comment combattre la pandémie. Ou encore, et plus simplement, à des positionnements différents dans la courbe de diffusion épidémique. Par exemple, le gouvernement américain par la voix du Président Trump a clairement mis en avant la nécessité impérieuse de ne pas arrêter l’activité économique pendant la crise du COVID-19, sous peine de pénaliser durablement l’économie américaine. Ce qui explique pourquoi il n’y a pas de décision de confinement au niveau fédéral mais des initiatives de ce type au niveau de certains états. Noter également les décalages sur les dates annoncées de déconfinement entre pays européens qui reflètent, entre autres, des trajectoires épidémiques décalées dans le temps.

Date de déconfinement par pays 

Pays Date annoncée de fin du confinement
Algérie 14 mai
Allemagne 4 mai
Belgique 3 mai
Espagne 9 mai
Etats-Unis pas de date nationale, déjà levé en Floride.
France 11 mai
Grèce 4 mai
Inde 3 mai
Italie 3 mai
Luxembourg pas de date mais réouverture progressive des écoles le 4 mai
Maroc 20 mai
Portugal 2 mai
Royaume-Uni 7 mai
Suisse 27 avril
Tunisie 3 mai

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les pays asiatiques ne figurent pas dans le tableau. Ce sont les premiers pays à avoir « déconfiné ». Enfin, certains pays notables comme la Suède, ne figurent pas non plus pour avoir opté pour une stratégie visant l’immunité collective, donc ne recommandant pas le confinement. Pour le moment, ce pays ne semble pas regretter cette option.

Prudence et progressivité

Le point commun aux plans de déconfinement annoncés, le plan français inclus, est l’extrême prudence devant l’ampleur des incertitudes, de nature scientifique ou autre, que la crise suscite encore. Par exemple, dans le plan annoncé  par Edouard Philippe, l’ouverture des écoles, collèges et lycées, devrait se faire de façon très progressive. Les restaurants restent fermés pour le moment, et les grandes compétitions sportives (notamment professionnelles) sont tout simplement arrêtées. Plus encore, le télé-travail reste fortement encouragé après le 11 mai et les mesures de chômage partiel prolongées (voir les détails du plan).
D’où vient donc cet apparent excès de prudence ? Cet excès de prudence correspond en vérité à une application responsable du dit principe de précaution, qui est extrêmement important dans la gestion des périodes de crise comme l’actuelle.

L’expérience asiatique

Les pays asiatiques ont expérimenté diverses trajectoires et stratégies de déconfinement. Un excellent article publié par le site de la RTBF en rend compte. L’article rappelle en particulier l’exemple de la réouverture des écoles au Japon, précisément sur l’île d’Hokkaido, début du mois. En effet, au vu d’une baisse notable et stabilisée des cas de contamination au COVID-19, les autorités ont rouvert les écoles le 6 avril dernier. Elles ont dû les refermer une semaine plus tard devant une soudaine recrudescence des cas de contamination (plus d’une centaine, alors qu’il n’y avait que quelques cas avant la réouverture des écoles).

Secondes vagues ?

La peur d’une deuxième vague du COVID-19 reste prégnante. Les conséquences d’un premier assouplissement très limité du confinement en Allemagne, fin avril, a en effet de quoi faire réfléchir. Le taux d’infection a rapidement rebondi au dessus du seuil d’alerte, comme l’a vite indiqué l’institut allemand Robert Koch.

Le même type d’expérience a été vécu dans d’autres pays  comme la Chine ou Singapour. Presque systématiquement, les assouplissements apportés aux dispositifs de confinement ont conduit à des secondes vagues. Ces dernières sont certes modestes, mais qui, non suivies de mesures de contrôle, peuvent engendrer des événements épidémiques majeurs. Et qui ne sont pas toujours importés. Ainsi dans le cas de l’île d’Hokkaido, les nombreuses nouvelles contaminations après le 6 avril ont été enregistrées sur des personnes qui n’avaient pas voyagé à l’étranger récemment.

Protéger, tester, et isoler

Il semble donc nécessaire d’accompagner tout mouvement de déconfinement par une stratégie proactive et bien articulée. Là encore, les expériences asiatiques peuvent servir. Le Premier Ministre Edouard Philippe ne s’en est d’ailleurs pas privé. Il a martelé le triptyque du déconfinement : protéger (distanciation sociale, masques…), tester et isoler (les personnes contaminées chez elles quand c’est possible, ou des endroits spécifiques, voir encore l’aperçu du plan Philippe mentionné ci-dessus).

 

Pays qui testent leur population

 

 

Par rapport à un pays comme l’Allemagne ou encore plus clairement par rapport aux pays asiatiques, la France part avec un handicap non-négligeable, à commencer par la disponibilité massive requise de masques de protection et la capacité à conduire des tests à grande échelle (peut importe d’ailleurs le type de test choisi). Ainsi comme le montre le diagramme ci-dessus, tiré du site statista.com, la France a fait 3 fois moins de tests que l’Italie à la fin avril; 30 tests pour 1000 habitants en Italie contre un peu plus de 9 en France.

Quelle stratégie pour la France ?

Bien sûr, d’ici la date du début de déconfinement, la France va monter en puissance. Mais la pente est assez raide. Et le coût économique ira en gonflant. A cet égard, il serait peut être judicieux d’examiner des stratégies de test, moins massives et plus sélectives. C’est le principe des tests groupés, suggérés dernièrement par quelques chercheurs.

Naïma Chenah

 

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