Et le Covid-19 réhabilita les soignants

Nous sommes en 2019. Un satané « machin », un coronavirus, dénommé Covid-19, fait son apparition à Wuhan en Chine. Des informations rapportent qu’il est d’abord sous-estimé, pas considéré pour ce qu’il devient très vite : un tueur en série. Il prend de court les scientifiques, voyage à travers le monde, investit la planète. Le coronavirus devient un « acteur écologique » qu’aucun discours n’a pu encore imposer à ce jour. Et surtout, il se comporte comme un justicier… de la cause des soignants. Malheureusement au prix de nombreuses vies.

J’en sais beaucoup, donc, je suis

Cela fait trop longtemps que dans nos sociétés, de nombreuses fonctions autrefois considérées comme « sacrées » sont abîmées. Le développement de la technologie, qui est une bonne chose en soi, a fait de tout le monde, du jour au lendemain, un sachant tout.

Les soignants sont désormais face à des patients qui en savent presque autant dans le domaine médical. En un clic, les patients peuvent en apprendre beaucoup et rapidement sur tout. Même s’ils ne peuvent pratiquer ni expliquer la solidité scientifique de ce qu’ils savent, ils peuvent discourir. Ils peuvent aussi se passer des indications du médecin. Jusque-là, aucun problème.

La question devient cruciale lorsque des médecins se font agresser à leur cabinet, non pour ce qu’ils savent. Un problème se pose quand  « M. Tout-le-monde » agresse « son » médecin parce que le temps d’attente lui semble trop long.

Les soignants restent sur le front du coronavirus malgré tout

Soignant épuisé sur le front du Covid-19
Crédit Photo AFP – Alexandre Bozon

Les médecins soignent, ils apportent leur savoir pour aider à restaurer la santé, dans la mesure de leurs compétences. On le sait tous, on ne le découvre pas sur le front du coronavirus.

Chaque soir, depuis plusieurs semaines en France, les autorités communiquent  les données sur les nouveaux cas, les décès et les guérisons. Point de chiffres sur le nombre de médecins décédés.

Après le premier cas de décès d’un médecin, dont l’annonce a été faite au début de la pandémie, plus rien. Santé Publique France annonce des milliers de cas de contaminations au sein du personnel soignant, mais point de chiffres à propos de leur décès.

Cependant, une dizaine de décès, tout au plus, a été annoncée, notamment dans le Grand Est et en Ile-de-France.
Une enquête du SNPHARE du mois d’avril 2020, réalisée principalement dans les CHU et CH indique que seuls 3,7% des répondants ont bénéficié d’un dépistage systématique.
79% des enquêtés doivent retourner au boulot, avec port de masque obligatoire, s’ils sont négatifs.
Et s’ils sont positifs, 16% d’entre eux ne bénéficient pas d’arrêt de travail, si leur état de santé le permet. Seul un petit nombre (23,5%) dispose d’informations sur le nombre de soignants testés positifs. 36,7% « observent une omerta sur le nombre de soignants Covid+« .

Un mal qui date…

Cela fait trop d’années que les médecins sont eux-mêmes « malades », sans possibilités réelles d’entrer chez un médecin, ni pour se faire ausculter convenablement ni pour se faire prescrire un traitement qui leur fasse retrouver la forme.

Pourtant, de nombreux reportages sur les chaînes de télévision rapportent les témoignages de médecins agressés, insultés, sur leur lieu de travail. En 2018, 1126 médecins ont subi des agressions en France contre 1035 en 2017 (Huffingtonpost.fr).

Mais les agressions ne sont pas les seules mises en cause. D’une manière générale, le personnel soignant, surtout du secteur public, se plaint aussi de la charge de travail administratif, en plus de la pratique médicale. Un épuisement qui oblige certains agents de santé à s’expatrier, même si ce n’est pas le seul motif de départ.

…et qui s’aggrave avec les agressions

Soignant, pas victime
Soignant, pas victime

Face aux différentes agressions, certains médecins ont dû se mettre en arrêt-maladie. D’autres ont fermé leur cabinet, privant malheureusement la population de soins.

Les agressions de soignants ne se déroulent pas seulement dans les cabinets, elles surviennent aussi dans le secteur public, et même si elles ne sont pas physiques, elles sont verbales, souvent plus éprouvantes pour eux.

Depuis des décennies ils alertent. Ils crient leur mal-être, leurs difficultés à donner des soins adéquats, faute de ceci ou de cela. Ils demandent aussi le relèvement de leur salaire dont l’évolution ne suit pas toujours celle du coût de la vie.

Le souvenir de la crise des « gilets jaunes » dont on a le droit de ne pas particulièrement être un défenseur, en raison de certaines méthodes, est un tournant dans l’image abîmée des soignants.

Debout comme un seul homme dans un stade

Et depuis l’avènement du Covid-19, la population, partout dans le monde, est devenue comme des soignants pour le personnel de santé. Elle se plie en quatre pour lui apporter de quoi manger, pour qu’elle s’alimente convenablement et reste au front.

Certaines personnes et structures leur offrent un toit à proximité de leur lieu de travail pour qu’ils ne perdent pas du temps dans les transports, et soient au chevet des patients touchés par le coronavirus, en temps et en heure. Et d’autres, tous les soirs, depuis leurs balcons, joignent leurs mains pour les applaudir, leur dire merci. La liste des actions de générosité à l’endroit des soignants en temps de coronavirus est longue.

Il y a aussi tous ceux qui dessinent ou composent des chansons pour soutenir et amplifier leurs appels incessants au confinement pour que nous sortions plus vite de cette crise sanitaire.

Quant aux politiques, ils multiplient des gestes de générosité utiles. Cependant, leur sollicitude doit devenir plus consistante et s’inscrire dans le temps. C’est ainsi que l’on peut espérer gommer progressivement des décennies de choix qui ont sans doute fait du tort à tous.

Même en Afrique, la générosité s’organise pour faire face à l’épidémie du coronavirus. Alors qu’il est souvent difficile de lever des fonds privés au profit de la lutte contre le paludisme, des donateurs sortent leur chéquier. Décidément, le Covid-19 est encombrant, et il est urgent de s’en débarrasser.

Vivement l’électrochoc qui restaurera l’image de l’enseignant 

Crédit Photo SIPA / Jacques

Dans la fonction enseignante comme celle des soignants, nous sommes dans une spirale qui n’en finit pas, un cercle vicieux dont l’origine du malaise date aussi. Dans le mal-être des enseignants, sont mis en cause le manque de reconnaissance, le stress de la hiérarchie et de certains parents d’élèves, mais également l’absence de formation avant de se retrouver au front.

Aujourd’hui, les projecteurs sont tournés vers les soignants, mais la fonction enseignante se porte elle aussi assez mal. Les faits sont là pour le prouver. Des enseignants dont nous avons tous, parents et pouvoirs publics, abaissé l’autorité.

D’ailleurs, beaucoup pensent que s’ils ont choisi d’enseigner, ils doivent aussi assumer. Seulement, des pères et mères de famille, qui se font insulter par des enfants, « leurs » enfants dans ce sacerdoce, appellent de notre part un peu de mesure.

Nous avons normalisé la conduite de parents qui se sont permis et se permettent encore d’humilier les enseignants en public, et ceci donne rarement lieu à un rappel à l’ordre. Loin de nous l’idée de valider les humiliations et insultes dont se plaignent certains enfants, et qui malheureusement existent.

Nous avons trop longtemps minimisé des comportements indécents de la part de personnes qui considèrent l’enseignement comme un métier banal. La transmission est un sacerdoce, c’est un art.

On peut avoir des diplômes et être complètement incapable de transmettre ses connaissances. D’ailleurs, nous sommes tous devenus, bien malgré nous, instituteurs ou professeurs de nos enfants, et nous en faisons l’heureuse expérience.

Les périodes que nous traversons sont assez douloureuses. Quand nous sortirons de ce confinement, pensons au message du Covid-19. Il dit probablement : « Je peux bouleverser toutes vos certitudes. Tout ce que vous avez du mal à réaliser ensemble depuis tant d’années par manque de volonté, et d’humilité, je l’ai fait« .