Parmi les multiples inconnues entourant l’épidémie du COVID-19 actuelle, le possible  emballement de l’épidémie dans le continent africain, jusquelà relativement épargné, donne des sueurs froides. À la catastrophe humanitaire redoutée et déjà annoncée par l’OMS dans toutes ses facettes, s’ajoute la crainte des occidentaux d’être à terme exposés à une vague épidémique africaine importée, à un moment où le débat fait rage sur les stratégies de déconfinement appropriées.

Un continent relativement épargné

Comme l’indique la carte de l’épidémie actualisée jour après jour par la John Hopkins University, le continent africain reste pour le moment très loin des statistiques d’infection que l’on peut trouver sur les continents européen, nord-américain ou asiatique. Au 14 avril 2020, la carte mondiale de l’épidémie s’établit comme ci-dessous :

Carte Johns Hopkins University

Le pays le plus touché par l’épidémie est l’Algérie avec près de 2000 infections et plus de 300 morts, selon une compilation de tv5monde,  suivi d’assez loin par l’Egypte (164 morts pour plus de 2200 cas d’infections enregistrées).

Le COVID-19 en Afrique subsaharienne 

L’Afrique subsaharienne est pour le moment largement épargnée à l’exception de l’Afrique du Sud qui enregistre le nombre d’infections le plus élevé d’Afrique (plus de 2270 cas) mais avec une mortalité bien inférieure à celle observée en Algérie ou en Egypte : seulement 27 décès au 14 avril. Ceci reflète assurément les performances d’un système de santé incomparable en Afrique. Même la République Démocratique du Congo (RDC), championne incontestée des zoonoses, n’enregistre pour le moment que 235 cas d’infection et une vingtaine de décès.

Au total selon Le Monde,  plus de 12 800 contaminations et environ 700 morts ont été comptabilisés en Afrique. Même si seuls l’archipel des Comores et le petit royaume du Lesotho ont échappé pour le moment à l’épidémie, on est très loin des statistiques ressassées dans les pays occidentaux ou en Asie.

Beaucoup de cas africains sont importés

Beaucoup de cas d’infections au COVID-19 relevés en Afrique sont importés. C’est le cas de la crise épidémique algérienne dont l’origine est bien circonscrite. Elle a été « transportée » de France par deux algériens  de passage dans la ville de Blida (épicentre de  l’épidémie dans ce pays) pour une fête familiale. Un autre individu, un italien, a aussi véhiculé le virus à l’intérieur du pays. Des scénarii similaires se sont produits quasiment dans tous les pays Africains. Dans presque tous les cas, le virus a été importé d’Europe.

Le cas le plus représentatif est celui de l’histoire de la contamination en RDC. Le premier cas de COVID-19 a été détecté à Kinshasa, mégalopole capitale du pays, mais pas dans un des très nombreux quartiers pauvres de la ville. Il a eu lieu dans le quartier huppé de la Gombe où on peut trouver les ministères, les ambassades, et les boutiques de luxe. Il s’agit de façon avérée d’un cas importé.

Des craintes de catastrophe humanitaire

Malgré les mesures de confinement prises par de nombreux gouvernements africains, notamment des foyers identifiés, la dynamique du COVID-19 n’a pas été contenue, loin de là. Ainsi du quartier de la Gombe à Kinshasa, au sud-ouest de la RDC, le virus s’est retrouvé à plus de 2000 km à l’est, dans la région du Kivu, frontalière avec le Rwanda.

Il y a quelques raisons de se montrer alarmiste quant à l’expansion de la crise sanitaire. En premier lieu, contrairement à l’Asie, et même à l’Europe, la faisabilité même de la stratégie de confinement est douteuse en Afrique. Pas pour des raisons culturelles. Pour qui connaît la topographie et la surpopulation de villes comme Kinshasa, Lagos, Alger, Johannesburg ou Le Caire, imaginer même qu’une stratégie de confinement puisse être mise en place est une gageure. Les violences policières comme celles enregistrées en Afrique du Sud par exemple pour faire respecter le confinement n’y feront rien.

Le deuxième risque majeur vient naturellement de l’état de déliquescence aggravé des systèmes de santé dans la plupart des pays africains. Il n’est pas nécessaire ici de donner des détails, le problème est bien connu. L’enquête de Jeune Afrique sur le nombre de lits de réanimation et de respirateurs en Afrique est assez éloquente à cet égard. Ainsi en RDC, pays de plus de 85 millions d’habitants et de plus de 2 millions de km², il n’y a que 50 lits de réanimation (et ne parlons pas de respirateurs!).

Cri d’alarme de l’OMS et forte inquiétude en Europe

Dans cette sombre conjoncture, l’OMS s’est fendu d’un communiqué très alarmant, le 9 avril dernier,  par la voix de son chargé des situations d’urgence en Afrique.  Rapporté par Le Monde, le communiqué met l’accent sur le fait que le nombre d’infections au COVID-19 avait doublé en 4 jours  en Afrique. Et en sortant des grandes villes, le virus est déjà en train de menacer la stabilité de nombre de pays africains alors même que l’épidémie est loin de son pic. Contrairement à ce que d’autres experts avaient prédit, la dynamique pandémique est bien en cours dans le continent africain. Et en sus de la crise épidémique, il faut aussi  s’attendre à une forte récession économique et sans doute, à des crises alimentaires.

Bien entendu, cette évolution n’est pas sans inquiéter les partenaires européens notamment. La crainte d’une deuxième vague de COVID-19 importée d’Afrique fait son chemin dans le vieux continent, en proie à de sérieux questionnements sur la marche à suivre pour « déconfiner ». Ce n’est pas un hasard si, comme le rapporte la presse, l’Europe vient de débloquer 15 milliards d’euros pour aider ce continent. L’enjeu est majeur pour les africains et pour toute la planète en vérité.

Naïma Chenah